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La Popote de l'Abeille
18 novembre 2007

Manger sain, ce n'est pas si simple

Sud Ouest, le 12 novembre 2007 

ALIMENTATION. -- Notre comportement alimentaire a évolué, et revenir à une nourriture saine s'impose. Mais par où commencer ?
« Que ton aliment soit ton premier médicament », disait Hippocrate, le père de la médecine occidentale, pour qui l'alimentation avait autant d'importance que le médicament. Un concept du Ve siècle avant J.-C., aujourd'hui oublié des facultés. « Mes connaissances de nutrition étaient très inférieures à celles d'un lecteur moyen de "Elle" », raconte le professeur de psychiatrie David Servan-Schreiber dans son dernier ouvrage, « Anti-Cancer », qui associe alimentation et prévention du cancer. « Notre culture médicale nous pousse à négliger cette approche et à préférer une intervention pharmaceutique, plus noble. »
S'intéresser au manger sain, c'est d'abord croire aux effets de l'alimentation sur la santé, sans oublier l'impact sur l'environnement.

Mais, aujourd'hui, difficile de se forger une opinion sur cette question, tant le discours sur la nutrition, discipline complexe, est brouillé par les intérêts de la publicité ou encore édulcoré par des conseils convenus, généralement les mêmes pour tous, qu'on lit dans les salles d'attente ou dans des magazines destinés au grand public. Manger sain, c'est quoi exactement ?

Est-ce manger sanitairement correct ? Pendant des décennies, les pouvoirs publics ont mis en place des normes d'hygiène drastiques, rendues indispensables par l'agriculture productiviste et l'allongement des circuits d'écoulement. Aujourd'hui, l'alimentation n'a jamais été aussi saine, sanitairement parlant, mais, dans la majorité des cantines ou des hôpitaux, elle est devenue insipide, appauvrie en minéraux, oligoéléments, vitamines, acides gras essentiels, éléments vitaux pour l'organisme. Parallèlement, les pathologies ont explosé, comme le diabète. Pour le cancérologue Henri Joyeux, auteur de « Changez d'alimentation. Prévention des cancers. Faut-il manger bio ? », 45 % des cancers sont d'origine alimentaire.

Manger bio ? C'est assurément un plus, mais est-ce suffisant ? Ces produits, lorsqu'ils sont complets et non raffinés, ont une meilleure valeur nutritive et protègent la planète (traitements naturels, parcelles plus petites, maintien de variétés anciennes). Mais ce n'est pas parce qu'on mange bio qu'on ne commet pas d'erreurs alimentaires.
D'autre part, un verre de jus d'orange bio venu du Mexique coûte plus cher à l'environnement, tout en étant moins nutritif (moins de vitamines et de fibres), qu'un fruit bio, de saison, de nos marchés. « Quand je fais mes courses, ceci me pose question. J'essaie toujours de privilégier les produits locaux, surtout pour les fruits et légumes. Mais, pour les bananes par exemple, elles viennent du Costa Rica. Je n'ai pas forcément envie de m'en passer », commente Ghislaine Metrat devant le rayon frais de l'Epicerie Bio, à Bordeaux.

Equilibré et varié alors ? Pas si évident ! Le « mangez varié sans excès » des diététiciens a ses limites. Ce credo est d'ailleurs repris avec profit par l'industrie agroalimentaire, qui ne veut surtout pas voir certains de ses aliments diabolisés... Mais s'il s'agit de varier entre le steak frites, les pâtes, les barres chocolatées, les produits laitiers, en soupoudrant dans les menus quelques légumes, on s'éloigne du manger sain.
Longtemps, l'enseignement de la diététique a valorisé la « densité calorique » (glucides, lipides, protides) en délaissant la « densité nutritionnelle » (composition en nutriments essentiels). Les conceptions de l'Afssa ou du Plan national nutrition santé (PNNS) sont d'ailleurs fortement nuancées par des études scientifiques récentes (lire, ci-dessous, l'expert), mais aussi par d'autres approches plus anciennes : celles de la médecine chinoise (cinq mille ans d'existence) et de la naturopathie (héritière d'Hippocrate), pour qui la chasse au gras ne réduit ni le diabète ni l'obésité, mais contribue à carencer la population en oméga 3, très utiles dans la prévention cardio-vasculaire et des allergies.

Manger naturel et local ? Ah ! les produits frais du marché ! Cuisinés maison, ils conservent mieux leurs vitamines. Leur acheminement se fait en circuit court, le coût en carbone est moindre. Ils maintiennent l'agriculture paysanne. Mais si les carottes sont enrichies aux pesticides ou les oeufs issus d'élevage en cages (le numéro sur la coquille commence par 3), quel est réellement le rapport bénéfice/risque ? L'épandage de substances toxiques dans l'agriculture conventionnelle ne fait l'objet d'aucun contrôle.
L'atout reste toutefois le contact direct et la possibilité d'aller vérifier sur place. « Je connais en général les producteurs qui sont en bio. En cas de doute, je demande ce que le producteur entend par "produit de la ferme". C'est surtout avec la viande que j'ai des difficultés », commente Marianne Vilella, 36 ans, habituée du marché de Sarlat, qui boycotte une ferme voisine de son habitation « parce qu'elle donne des aliments traités à ses poulets et ses canards ».


Loin des idées prêtes à digérer, manger sain c'est finalement s'assurer de plusieurs critères : des aliments frais, biologiques, locaux, plus naturels que raffinés, en retrouvant le plaisir de la cuisine et des saveurs authentiques. Reste à chacun le choix de sa diététique, ce qui nécessite bon sens et esprit critique face aux discours de tout bord. Manger sain, aujourd'hui, c'est donc avant tout devenir un consommateur averti !

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